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18
mars
2017

La vie après le cancer, une renaissance plus difficile qu'il n'y paraît. Interview de Marine Nicola pour Flair

Le 18 mars 2017 dans la catégorie Interview : Rencontre inspirante
La vie après le cancer, une renaissance plus difficile qu'il n'y paraît. Interview de Marine Nicola pour Flair

Dans une interview pour Flair Magazine, Marine de Nicola raconte comment le cancer a bouleversé sa vie. La chanteuse française propulsée star en Chine, publie en avril un livre "Le baiser de l'ouragan" qui raconte son parcours. Elle nous parle aussi de l'après, souvent passé sous silence. "Alors tout à coup, quand ce but est atteint et que l’on doit reprendre le cours de sa vie, on se sent très démuni. Reprendre quoi, où, comment ?"

À 27 ans, Marine de Nicola, ex-star de la chanson adulée en Chine, est en rémission d’un cancer. Dans son livre « Le baiser de l’ouragan » (éd. Ring, 6 avril), elle raconte son combat contre la maladie. Pour Marie Claire, elle a aussi accepté de raconter l’après et son lot de difficultés.


 
Les lumières de la scène artistique chinoise à celles des couloirs de l'oncopole de Toulouse, Marine de Nicola, 27 ans, lève le voile sur son combat contre le syndrome de Hodgkin, un cancer qui l’a touchée en 2014 alors qu’elle vivait une vie de paillettes à l’autre bout de la planète.
 
Dans un ouvrage qu’elle qualifie elle-même de « brut » intitulé « Le baiser de l’ouragan » (ed.Ring, *sortie le 6 avril), la jeune femme dont le désir de vivre à été le plus fort, raconte comment la maladie l’a a jamais transformée. Rencontre.
 
Marie Claire : Comment allez-vous aujourd’hui ?
 
« Je vais bien. Je suis suivie tous les six mois dans le cadre de ce que l’on appelle une "rémission qui perdure". Plus on s’éloigne de la fin des traitements, plus les chances d’une guérison augmentent. Pourtant, j’ai mis du temps à ne plus me sentir malade. L’année qui a suivi leur arrêt, j’ai continué à me considérer comme une patiente en danger. »
 
J’étais dans cette urgence de vivre qui ne laisse place à rien d’autre
L’après cancer est une période dont on parle finalement peu. À vous entendre, elle ne paraît pas aussi facile que cela à vivre…
 
« Elle ne l’est pas du tout ! Pour avoir discuté avec beaucoup d’autres patients en rémission, la majorité d’entre eux traverse cette étape avec de plus ou moins grandes difficultés. Il faut comprendre que pendant des mois, le quotidien n’a qu’un but –et quel but !- celui de survivre. Alors tout à coup, quand ce but est atteint et que l’on doit reprendre le cours de sa vie, on se sent très démuni. Reprendre quoi, où, comment ? Une telle épreuve laisse des traces, beaucoup de choses changent. »
On imagine pourtant que c’est un grand soulagement, un moment extrêmement heureux…
 
« Dans mon cas, ça a été tout le contraire. Par exemple, après que les docteurs m’ont indiqué que je pouvais retourner à mes occupations, j’ai rejoint ma famille qui vit à Tahiti pour fêter cela. Mes parents étaient si soulagés ! Et moi ? Dans cet endroit paradisiaque, je n’arrêtais pas de pleurer. Je ne savais pas ce que je faisais là, tout me paraissait fade.

Je garde le souvenir d’un grand vide. Il n’y avait plus d’envie, comme si le combat contre la maladie m’avait tout pris. J’étais épuisée et en même temps, je me sentais si coupable de ne pas être capable de savourer cette victoire. Je n’avais pas le droit d’être dans cet état quand tant d’autres ne s’en sortent pas ! »
 
Je crois que qu’à ce moment-là, j’ai flirté avec la dépression

Qu’est-ce qui vous a aidé à reprendre pied ?
 
« Mon entourage principalement. Mes proches, mes amis ont été très compréhensifs mais ils ont aussi su me secouer aux moments où il le fallait. J’ai aussi rédigé une life list. J’y ai noté tout ce que j’avais vraiment envie de faire dans un futur plus ou moins proche. Ça m’a aidée à remettre un pied devant l’autre.
Et puis il y a eu cette proposition de livre, c’était pile ce dont j’avais besoin, un projet dans lequel j’ai mis mes tripes, sans concessions. J’ai passé tellement de temps à me taire, en Chine d’abord où j’avais un rôle à tenir, pendant la maladie aussi -on encaisse, toute notre énergie est concentrée sur la guérison. D’un coup, tout est sorti, de manière presque violente. »
 
C’est aussi ça alors l’après cancer, la colère ?
 
« Oui ! Je ne l’ai jamais été durant tout le temps du traitement. Ni même à l’annonce de la maladie quand j’y repense.
 
C’est après que la colère est venue. Avant, je n’avais pas de place pour elle
À l’époque, pour éviter qu’elle ne prenne le dessus, j’ai même choisi de voir la maladie comme un "cadeau", de l’envisager comme un tremplin pour me réinventer plutôt que comme un fardeau. C’était ma façon à moi de remettre du sens dans tout ça. Parce que sinon, c’est trop insupportable, trop injuste. »
 
Qu’est-ce qui était important avant et qui l’est moins aujourd’hui ?
 
« Je dirais le regard des autres. Bien sûr, il continue de m’importer, mais il n’est plus central. Aujourd’hui, je ne suis plus prête à tout pour plaire, et surtout pas à renier mes envies profondes ou mes valeurs. Je veux d’abord me plaire à moi-même, faire ce que je veux et non pas ce que je peux. À condition de ne pas faire de mal aux autres… »
 
Cela vous est arrivé... de heurter des gens qui vous sont chers ?
 
« Disons que dans mon cas, un autre symptôme de la vie après le cancer a été une forme d’égoïsme associée à l’envie de profiter de chaque seconde. On m’en a fait la remarque : message bien reçu ! Aujourd’hui je travaille sur cet équilibre difficile qui consiste à concilier mes envies et celles des autres. »
 
Après une telle épreuve, comment appréhende-t-on la mort ?
 
« Encore plus difficilement qu’avant ! Elle me terrorise pour la simple et bonne raison que j’en ai fait l’expérience dans ma chair.
 
Il y a des jours où j’ai sincèrement cru que je ne me réveillerai pas le lendemain
Aussi, je suis beaucoup plus attentive à mon corps et aux signaux qu’il envoie. Parfois même, je lui parle. J’ai longtemps vécu dans la peur d’une rechute imminente, la moindre toux ou douleur suffisait à m’envoyer illico chez le médecin et à exiger une prise de sang. »

Selon vous, faudrait-il davantage accompagner les patients en rémission ?
 
« Des programmes se mettent petit à petit en place, mais cela reste encore marginal. Je pense qu’un suivi psychologique intégré au parcours de soin global serait par exemple une bonne chose. Si l’on n’a pas la chance d’être entouré, c’est même plus que nécessaire 

Une interview réalisée par Par Elodie Bousquet pour Flair Magazine

Extrait de la BD de Lily Sohn parue aux éditions Michel Lafon